Ce texte a été rédigé pour le blogue de la Fabrique Montessori. Je le mets ici pour le conserver dans mes archives.
Quand Henri était bébé et qu’il est venu le temps d’introduire les aliments, il avait un gobelet, deux petites assiettes, une fourchette et une cuillère en plastique. Je refusais d’acheter une plus grande quantité de vaisselle en plastique même si c’était beaucoup d’effort de tout laver tout le temps. Quelque chose me chicotait, mais je ne me questionnais pas trop. Je lui servais les plats que je contrôlais (yogourt et purées) dans des bols en porcelaine et lui servais avec une cuillère en métal. Si c’était lui qui les manipulait, c’était en plastique.
Malgré les quantités réduites de matériel, j’ai quand même passé du temps en magasin à inspecter chaque gobelet, lire sur leur contenu en plastique, essayer de trouver le moins pire, le type de goulot que H apprécierait, etc. J’ai dû faire quelques essais. J’avais l’impression d’avoir gaspillé mon temps et mon argent et d’acheter des gogosses en plastique, chose qui me dérange pas mal.
Puis, quand j’ai finalement introduit le verre en verre et les assiettes de porcelaine à H, je me sentais nerveuse. J’avais peur des dégâts, qu’il les échappe. J’avais peur de son erreur et pourtant, il ne faisait qu’explorer.
Quand il avait autour de 20 mois, j’ai eu une bulle au cerveau. J’ai décidé qu’il était temps qu’il apprenne à boire dans un vrai verre. Un verre en plastique, mais j’avais la perception que c’était un vrai verre quand même. Tout d’un coup, j’avais des attentes élevées face à lui pour qu’il le face adéquatement. Je m’attendais à ce qu’il boive comme un adulte, mais il était tellement habitué à laisser son gobelet traîner dans tous les sens! Tout d’un coup, il devait faire attention à manipuler un verre sans faire de dégât. Apprendre à le déposer tranquillement à l’endroit. Tout un changement! Et que dire du fait que ces petits verres en plastique sont si léger qu’ils se renversent dès que l’on respire trop fort.
Il a fini par bien boire dans un verre, comme tous les enfants. Toutefois, une aura de négativité entoure la période d’apprentissage entourant les repas. Je me souviens que ça me pesait lourd au quotidien. Et je me gardais toujours un gobelet, au cas-où. Je n’avais pas confiance en Henri à 100 %.
C’est drôle parce que je portais pourtant une grande confiance générale envers mon beau Henri depuis son plus jeune âge. Je venais à peine de découvrir la pédagogie Montessori et je réalisais que j’avais naturellement adopté un rôle d’observatrice et d’accompagnatrice pour lui. Je n’avais toutefois pas considéré cet aspect de sa vie quotidienne, pourtant si évident, si simple, si important. Parce que de nos jours, avec toute l’offre commerciale en ce qui concerne les bébés et tout ce qu’on voit dans les médias, les enfants, ça boit et mange dans des choses en plastique. On ne se pose pas de question.
Puis, cette phrase de Maria Montessori est passée devant mes yeux :
[…] they place more importance on the glass than on the child; an object worth a few cents seems more precious than the physical training of their children.
Il n’en fallut pas plus pour qu’à peu près toute la vaisselle en plastique sorte de la maison. Un changement s’était opéré dans mon cerveau, dans ma perception de Henri. Tout d’un coup, j’avais 100 % confiance en lui, en ses capacités d’exploration. Quand j’ai lu ceci, ça a renforcé mon désir de laisser mes enfants manipuler les objets de la vie courante de notre maison le plus possible.
J’ai réalisé que nos réactions en tant que parents étaient souvent brusques et trop importantes face à un objet renversé ou cassé (ou, pire encore, qui pourrait se casser ou se renverser).
Je me suis promise qu’avec notre prochain enfant j’allais aborder les choses différemment.
Et effectivement, avec Paul, nous avons décidé d’offrir un vrai verre ainsi que de la vaisselle en porcelaine dès son plus jeune âge. Il a commencé à manipuler un verre en verre autour de 6 mois, puis à apprendre à boire avec vers 7 mois. Aucun achat requis.
En offrant un vrai verre à Paul, on désirait lui offrir une expérience concrète dans le fait de boire durant le repas. Un verre cassant encourage l’enfant à faire attention dès le début de l’expérience, à prendre connaissance et à contrôler ses mouvements selon son environnement et à comprendre les conséquences réelles de ses actions. Il y a ainsi un indicateur direct que quelque chose n’a pas été fait correctement et permet un contrôle de l’erreur (ici renverser ou briser le verre). Dans cette activité, il développe son indépendance et la coordination de ses mouvements. Il renforce ses muscles. Il fait comme les grands.
Au-delà de la fierté de voir mon enfant raffiner ses capacités autour de la table, cette expérience si simple et banale a surtout conforté quelque chose d’ancré en moi : que d’être une mère a quelque chose de gratifiant, de bon, de grand. Qu’il y a, derrière le fait de nourrir, laver, habiller et jouer, l’accompagnement de notre enfant dans le développement et la formation de son être, de son esprit, de l’individu qu’il est et qu’il sera à travers des activités naturelles, tirées de la vraie vie. Avec des objets plus respectueux de l’environnement et qu’on possède probablement déjà à la maison.
Maria Montessori disait : An ordinary life extraordinarily lived. Ça ne peut pas être plus juste.